La fois où j'en aurais bien fait du hachis, de cette végétarienne...
Faire la cuisine pour 15 personnes, d’âges, de sexes et d’horizons différents, ça n’est pas si facile. Vous avez là une majorité de garçons, relativement affamés, surtout après 2 plongées de 2h chacune dans le Rhône, qui vous réclament du bœuf et de la patate à chaque repas. Mais aussi quelques filles, qui malgré les vigoureux coups de palmes de la journée, aimerait bien « manger diététique si c’est possible, j’ai quelques pompons à perdre sur les fesses tu comprends, oh non pas des patates sautées ! ». Vous avez des jeunes, qui avaleraient n’importe quoi, et des moins jeunes, qui surveillent le cholestérol, le sucre, le sel. Vous avez des baroudeurs, prêts à n’importe quelle aventure culinaire (« oh chic, c’est quoi ? Roti de chevreau au miel sur lit de figues fraîches ? Génial ! ») et quelques bourguignons cévenols bordelais casaniers de la papille, à qui vous ne ferez jamais avaler une chose que leur maman ne leur a jamais cuisiné (« et c’est à base de quoi au juste ? Et c’est quoi comme bête, cette coriandre ? »).
Et puis, il y a Christine.
Christine est végétarienne. Adieu veaux vaches cochons...
Heureusement, Christine est d’emblée très accommodante : « je ne mange pas de viande, mais évidemment, je mange des œufs et du poisson. Et à part la viande, j’aime tout ! Mais ne te tracasse pas à me faire un truc à part, je me passe très bien du plat de protéines, du moment qu’il y a à côté le plat de légumes. Je ne suis pas difficile ».
Pour lui être agréable, je soigne tout de même mes menus : parmi les quiches du midi, je veille toujours à ce qu’il y en ait au moins une sans viande. Lorsque je fais de la viande grillée, je prends soin de faire à côté une petite omelette aux herbes. Je me suis même lancée dans la cuisson d'un steack de soja (chose qu'elle n'avait jamais mangé mais était très curieuse de goûter), cuisiné selon la même recette que le lapin aux abricots que mangeait le reste de l’équipage.
Mais Christine, finalement, a été un tout petit peu fourbe, avec son je ne suis pas difficile :
- Argh non désolée, le steak de soja je peux pas. Au niveau de la consistance ça me fait trop penser à du poulet. Je le laisse, tu m’en veux pas ? »
- Ah non la quiche poireaux roquefort, je ne peux pas la manger, je suis allergique aux fromages avec de la moisissure bleue... Bon ben du coup y’a pas grand-chose pour moi ce midi... »
- J’ai fait mon tour de vaisselle mais désolée, la marmite du tajine je te la laisse. Il y a encore plein de bouts de viande dedans, ça me dégoûte. »
- Euh ça t’embête de la ramener en cuisine et de la faire cuire encore 5 minutes cette omelette ? Je ne supporte pas qu’il y ait une once de blanc encore baveux sur mes œufs »
- Y’a pas de coca au frigo ? Bon ben je ne trinquerai pas avec vous alors... Non je ne bois jamais d’alcool, sauf le champagne et le lambrusco »
- Tu pourrais servir le tian de légumes avec une autre cuillère que celle avec laquelle tu sers le curry de poulet ? Parce que tu t’en rends pas compte, mais là tu mets des micros bouts de viande dans le gratin, c’est pas cool... »
- Oh chic de la salade de fruit ! Ah mais ! Tu as mis du rhum dedans ou pas ? Ah non merci alors... Non même si c'est une demi-cuillère à café pour tout le saladier, ça me gêne... »
- Tu peux me passer un yaourt aux fruits ? Merci. Ah non. J’peux pas le manger. Y’a des morceaux. Je ne supporte pas les morceaux. Il me faudrait des yaourts aux fruits mixés... »
- Il est végétarien ce taboulé ? Ah chouette. Ah. Y'a des raisins secs... Bon ben je vais les enlever un par un hein... »
Je suis en train de songer très sérieusement à lui concocter une recette d'omelette archicuite aux fruits mixés flambée au coca et servie sur son plateau d'acier chirurgical stérilisé.
Ou à une invitation pour une consultation psy.
Ou, pourquoi pas, lui offir un le petit guide "J'ai été élevée avec les ours : comment réintégrer une vie en société"...
Sinon, peut-être aussi qu'un bon coup de pied dans la chatte...